lundi 25 juin 2012

Whisky-session

Les Ecoenologistes délaissent le temps d’une soirée les vins qu’ils chinent chez leurs cavistes préférés (Auchan, Leclerc, Intermarché) pour s’intéresser à quelques whiskies du monde.
Dégustation dans les bois de quatre versions de cet « alcool de céréales vieilli trois ans en fûts de chêne usagés si t’es en Ecosse ou deux ans en fûts de chêne neuf si t’es aux Etats Unis et titrant au minimum 40° »
On démarre avec une étude comparée hautement symbolique entre le blend japonais le plus vendu (Nikka from the barrel) et un bon vieux Tennessee Whisky qui n’est pas celui que l’on croit : George Dickel Cascade Hollow.
Les Ecoenologistes, encore peu versés dans la dégustation du whisky, vont découvrir ce qui fait le charme des Bourbons et de leurs cousins du Tennessee. On rappelle qu’à la base de ces eaux de feu, il y a une majorité de maïs (plus de 50 % mais plus généralement 70) et que l’élevage se fait dans des fûts de chêne neufs, carbonisés qui libèrent les aromes de vanilles et de caramel qui font toute la gourmandise des whiskies américains. George Dickel est sur ce modèle, tout en restant assez sec, un côté cowboy à l’image de sa bouteille vintage, très marqué par le chêne dont le verre vidé (d’un geste sec) garde les parfums longtemps après la dernière gorgée avalée. L’étiquette rouge arbore fièrement, outre le nom de la distillerie historique « Cascade Hollow », l’appellation Tennessee Whisky qui depuis 1941 distingue ces spiritueux des bourbons parce qu’ils utilisent un filtrage à travers une couche de charbon de bois d’érable (« The Lincoln County Process ».)
A côté de l’américain, Nikka from the Barrel attend patiemment. Le nez reste flatteur, la douceur est de mise mais la complexité plus grande. Fruits et épices, légère fumée, peut-être le début d’une pointe de tourbe, ce n’est pas impossible. Le blend japonais est un mélange des deux distilleries du groupe Nikka : Miyagikyo et Yoichi. Cette dernière est réputée pour ses whiskies tourbés « à l’écossaise » selon le goût du père fondateur du whisky japonais : Masataka Taketsuru. Tombé amoureux de l’Ecosse et de ses whiskies peu avant 1920, il rentra chez lui avec une écossaise et la ferme intention de distiller au Japon. Les premiers whiskies  japonais datent de cette époque.
Notre Nikka titrant 51.4°, on lui impose une petite réduction à l’eau claire qui libère ses parfums d’abricot et de fruits au caramel. On retrouve des notes boisées et vanillées en bouche qui font le lien avec notre whisky américain dont les fûts pourraient avoir servi à faire vieillir certains whiskies du blend…

On attaque ensuite une découverte de la tourbe en revenant en terre écossaise. Dans le Speyside, tout d’abord, avec la distillerie Benromach. Pour se faire bien voir de la présidente des Ecoenologistes, il est toujours bon de dégotter un produit plus ou moins bio et d’en faire le clou de la dégustation. La chose est ardue avec les whiskies. Il y a bien une version « organic » chez Bruichladdich. On se rabat sur celle de la distillerie Benromach qui allie la finesse des Speyside à la tourbe insulaire. On plonge le nez dans cette tourbe bien dosée, on parle de céréales, de fruits, d’agrumes, le tout dans un bel équilibre. L’occasion de rappeler que le « tourbage » se fait au moment où l’on sèche l’orge qui a commencé à germer (malt=céréale germée ; Single Malt= provenance d’une unique distillerie). Le feu de tourbe (résultat de la fossilisation de débris végétaux et bon combustible) donne à la céréale, puis au whisky, ce goût incroyable, fumé, végétal, médicinal, goudronné et inimitable qui compte autant d’adeptes que de détracteurs. Ceci semble se confirmer ce soir encore. On sent chez Vincent « The Nose » un bon potentiel de fanatique de la tourbe prêt à s’inscrire au stage itinérant sur l’île d’Islay. On sent par contre un Nico plus réticent, d’avantage enclin à siroter un George Dickel sur son fidèle destrier, marchant vers le soleil couchant. Quant à Madame la Présidente, elle ne dit rien, ce qui n’est pas bon signe, et je sens qu’il faut que j’affute un peu mes arguments concernant le côté bio de ce whisky. Alors voilà. Apparemment, faire un « organic whisky »  n’était pas la première intention  de Benromach. Ils voulaient faire un élevage en fûts neufs, à la manière des bourbons donc, et c’est ensuite qu’ils se seraient dit que ces fûts, vierges de tout alcool américain à base de maïs transgénique, était un premier pas vers l’organic. Pas qu’ils franchirent en utilisant une orge certifiée 100% biologique. Et voilà le travail.
Les papilles sont prêtes à recevoir le coup de grâce d’un maître du genre. Le 4e et dernier whisky dégusté sera le Ardbeg 10 ans, emblématique breuvage de l’ile d’Islay, monstre de tourbe, mais un monstre non dénué de douceur. On s’étonne de sa couleur très claire, tranchant avec les deux premiers whiskies dégustés qui affichaient de séduisantes teintes caramel. La tourbe Ardbeg est bien iodée, la texture est crémeuse, évidemment le plus puissant des breuvages testés ce soir, une finale interminable dont une huitre du bassin d’Arcachon vient accentuer la note salée.


Au final, on a, sans en avoir l’air, fait une soirée Bourbon sans boire un seul Bourbon : Un Tennessee whisky (Bourbon qui ne dit pas son nom), un blend japonais (vieillissements en fûts de Bourbon), un Ecossais (Benromach) qui sur un coup de tête oublie sa tradition et utilise des fûts de chêne neufs (ben, comme les Bourbons, tiens…) et enfin un Islay qui vieillit exclusivement dans les fûts du Tennessee Whisky le plus célèbre qui soit.
Et bien c’était sympa, tout ça.

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